lundi 10 juillet 2017

Une microhistoire : le droit d’aubaine, l’interdiction de l’usure et la maison Porquin

la maison Porquin en Outremeuse
Je découvre la méthode microhistorique, ou microstoria. La microhistoire de Girolamo Motta, par l’ historienne italienne Simona Cerutti, m’a permis de mieux comprendre l’histoire de la famille lombarde des Porquin à Liège.
Simona Cerutti a plongé dans les archives du XVIIIe siècle turinois, pour interroger la notion «d'étranger» et  décrire le «parcours karstique» de l'identité, tantôt souterraine, tantôt résurgente, de Girolamo Motta, tailleur de son état, à la tête de sa corporation. A cette époque ce musulman converti ajoute à son nom «turc d'Anatolie». Il fait des dons en faveur d'institutions charitables (l'hôpital de la Charité). Mais dans son ultime testament, dicté en 1724,  disparait toute mention de ses origines. Porquin aussi fondera un hôpital pour pestiférés à Saint Léonard. C’est la petite histoire d’un tag avant la lettre,
une plaque en céramique sur une façade Art nouveau conçue en 1907 par Joseph Barsin, au n° 9 de la rue Ernest de Bavière. La microhistoire réduit l’échelle d’observation, fait l’histoire au ras du sol (dans ce cas-ci en haut d’une façade) (« Bavière », un patrimoine peut revivre… Chronique du Vieux Liège N° 334octobre décembre 2007)
Quand en 1890 les Hospices Civils décident de la construction d'un nouvel hôpital –Bavière- le Conseil communal de Liège discute pendant quinze ans, entre 1888 à 1903, sur la démolition de
l’ancien hôpital, la Maison Porquin. L’édifice fut rasé en 1904. La ville doit quand même démonter la chapelle et la remonter en 1894 à l’endroit qu’elle occupe aujourd’hui. Elle est donc, avec le porche, l’unique témoin encore vivant de l’hôpital du 17e siècle. La chapelle chaude et intime où Simenon, durant ses études primaires à Saint-André, servit la messe de 6 heures, est ce qui reste de l'hôpital démoli.
Il y a à boire et à manger dans la microstoria. Mais l’idée qu’une société se comprend souvent mieux par ses marges que par son centre est intéressante, surtout là où cette compréhension est rendue difficile par le voile qu’on a jeté sur l’inquisition dans la principauté de Liège.

Le droit d’aubaine

Il y a dans la microhistoire de Porquin et de Girolamo Motta deux points communs : le droit d’aubaine et le pêché de l’usure. Le droit d’aubaine disposait que le seigneur recueillait les biens d'un étranger, ou «aubain» lorsque ce dernier mourait dans le périmètre de sa souveraineté. Ce droit casuel était une source de risque important pour les commerçants étrangers fréquentant les foires, les étrangers possesseurs de rentes ou de titres d'emprunt, dans les villes où les étrangers étaient nombreux. Le droit d'aubaine a été aboli par la Révolution française.
Ce droit d'aubaine avait été suspendu à Turin en 1702  pour attirer les marchands étrangers mais lorsque le royaume sarde se rapproche de l'Église romaine on le réapplique de manière plus systématique. Dans les États savoyards on réinstaure les ghettos juifs en 1723, et on expulse les calvinistes, poussé par les fabricants locaux qui les accusent de contrôler le marché de la soie. Le fisc saisit ces années-là les biens des étrangers dans le cadre de la loi d'aubaine.
Les dons de Girolamo Motta en faveur de l'hôpital de la Charité sont une manière de ‘détourner’ ce droit d’aubaine : le leg stipule que l’hôpital doit subvenir aux besoins de sa famille. Les héritiers de Motta voient, après son  décès, ce leg à l’hôpital de la Charité remis en question au nom du droit d’aubaine.

Les tables de prêt et les Lombards à Liège

A première vue, ce n’est pas droit d’aubaine qui menaçait directement Porquin,  qui arrive a s’acheter le statut de citain de Liège. C’est la condamnation de l’usure, voire du prêt à intérêt, par plusieurs conciles, à commencer par celui du Latran en 1179. Le pape Urbain III condamne en 1187 toute forme d’intérêt en référence à Luc 6, 35 : « Prête gratuitement, n’espère rien en retour. » Les théologiens reprennent également l’argument d’Aristote selon lequel l’argent qui n’est pas une chose vivante ne peut engendrer. Donc selon le droit canon les lucratives opérations de prêt sont illicites. Ca se complique dans la mesure où l’Eglise refuse d’intervenir dans ce domaine. Voyons : on se se salira pas les mains avec la boue de la terre…  « Jésus entra dans la cour du Temple. Il renversa les comptoirs des changeurs d'argent, et il leur dit : Il est écrit : "On appellera ma maison une maison de prière, mais vous, vous en faites un repaire de brigands". L'Eglise exigeait, avant la réconciliation, sinon une restitution complète des richesses acquises dans cette vie d'un mercantilisme malsain, au moins une somme considérable fixée à dire d'experts et destinée le plus souvent à quelque oeuvre hospitalière ou charitable. Mais elle refile la patate chaude au bras séculier. Qui a son tour fait l’hypocrite : en échange de prêts, les empereurs, rois et princes, comme Charles Quint, autorisent les tables de prêt. Et anoblissent des Lombards. Dans le Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque royale de Belgique (Vol. 13, p 482) de 1901 on retrouve le «Diplôme de l'Empereur Charles Quint en faveur des Porquin, le 4 mai 1553. Copie authentiquée du 1 juin 1609. " Le Bulletin de l'institut archéologique Liégeois mentionne aussi le Diplôme de Noblesse pour les frères Pourquin en 1553 (Manuscrits généalogiques de le Fort , III partie: cartons, p 229, 1862).
Avec lui ont été anoblis ses deux frères, Louis et François. Le "Bulletin de la commission royale d'histoire »  de 1845 reprend p 93 "1552 Die quarta memsis maii: acte d'anoblissement donné par Charles Quint à Louis, Bernardin et François Porquin, frères". Cet anoblissement ne les met pas nécessairement à l’abri de sanctions par d’autres niveaux du pouvoir.
A Liège ça se complique encore un peu plus dans la mesure où le Prince-Evêque, comme le nom le dit, réunit en sa personne le pouvoir religieux et civil. Selon la ‘bonne gouvernance’ de l’époque, ces deux pouvoirs sont exercés par des tribunaux différents. Toujours est-il que pour un Lombard la zone grise est très large et très opaque. Même si Porquin a acquis entre-temps le statut de citain de Liège.  Théodore GOBERT explique que  Porquin, ce ‘lombard repentant’, s’est établi comme usurier lombard rue Souverain-Pont, de 1551 à 1570. En 1571 est fondé un hôpital Porquin pour pestiférés, à l'entrée de Saint­Léonard, aux Bayards. Et l’acte de fondation parle de lui comme ‘bourgeois de Liège’.
Attention, cet hôpital Porquin à Saint Léonard n’est pas la maison Porquin ! « Bernardin Porquin acquit en quelques lustres une fortune des plus opulentes par ses lucratives opérations de prêt. Il fit bientôt construire entre le Barbou et un bras de l'Ourthe, en Outremeuse, une superbe maison en pierre avec vastes jardins et avant-cour vers le pont Saint-Nicolas, qui ne tarda pas à porter son nom. On l'avait surnommée « la Maison de Marbre »; et c'était justice ».
Notre Lombard pense à sauver son âme (et probablement aussi à mettre sa fortune à l’abri d’une expropriation pour cause de l’argent mal acquis). Il s’adresse assez tôt à la sacrée Pénitencerie romaine, sous le pontificat de Jules III. Celui-ci est mort en 1555; Porquin lance donc sa demande de rémission de ses fautes un peu après son arrivée à Liège, en 1551. Il finit par obtenir le pardon, mais il lui fut posé la condition qu'il disposerait de l'argent provenu du commerce illicite en faveur d'oeuvres pies, à la libre volonté de l'évêque de Liège. l'évêque de Liège. Celui-ci établit l'estimation des biens de Bernardin acquis par l'usure à 5.000 florins de Brabant.
Epis de Plomb de toiture Porquin
Ca vaut la peine d’analyser le chemin juridique qu’a emprunté Porquin, notamment par rapport à une juridiction épiscopale ou séculière. Comme toujours dans mes blogs, je me base sur ce que je trouve sur internet et dans les bibliothèques publiques, et je me refuse de faire un vrai travail de recherche, sur base de documents originaux. Et je dois donc ‘subir’ l’amalgame que la plupart des historiens font sur ce genre de questions. Sur le document ci-dessous il s’adresse au maire et échevins de Liège comme devant la haute cour et justice :
 « Il se fit qu'en l'an 1571, au mois de mai, un lombard repentant, Bernardino Porquini dit Bernardin Porckin ou Porquin, comparut devant le maire et les échevins de Liège comme devant la haute cour et justice en compagnie de sire Baltasar Dangist, curé de l'église paroissiale Saint-Jean-Baptiste et des quatre proviseurs et gouverneurs jurés de Saint-Jean-Baptiste. L'intention de Bernardin Porquin était de fonder une maison de Dieu et hôpital avec le consentement du prince-évêque Gérard de Groesbeek. Bernardin Porquin, bourgeois de Liège, fut touché de compassion de voir qu'en temps de peste plusieurs pauvres étaient abandonnés à leur sort, délaissés d'un chacun et fort mal administrés. Le fondateur voulait donc créer au Bayard en période d'épidémie un lieu où recevoir les pestiférés.L'hôpital aurait le droit perpétuel de sépulture pour ensevelir  dorénavant à cet endroit ses propres morts » (Robert HANKART, L'ancien hôpital Saint-Abraham à Liège).
C'est ainsi que le 6 avril 1571, Bernardin Porquin «Lombard repentant» achète des maîtres et gouverneurs de l'hôpital Saint-Jean-Baptiste «une maison, chapelle, jardin, appendices et appartenances que l'on dit communément le Bayar et chapelle Saint-Dizier, gissans et situés près et hors la porte Saint- Léonard, joindans vers Meuse, à intention d'en faire et fonder par le dit Bernardin, une maison de Dieu et hospital pour le temps dangereux, recevoir les malades et infectés de peste». Porquin s'engage à recevoir dans l'établissement tous les pestiférés de l'hôpital Saint-Abraham, et d'y faire enterrer tous ceux qui y mourront. Bernardin Porquin ajouta ultérieurement d'autres sommes notables pour parfaire sa fondation.
Cette grande propriété s'étend jusqu'à la Meuse. Le 16 juin 1571, il reçoit officiellement absolution de ses péchés, dans un acte de l'évêque Gérard de Groesbeck. On peut noter avec amusement que, l'année suivante, le même Bernardin Porquin fait une avance à son Prince-Évêque de 6.000 florins.

5000 florins de Brabant pour mettre sa conscience en règle !

Pourquoi cette ‘avance’ qui n’a probablement jamais été remboursée ? Les temps avaient changé ! La contre-réforme s’organise face à la montée des protestants.
Le Prince-évêque Gérard de Groesbeek fut sacré en mai 1565. Quelques mois plus tard,  à Spa, les nobles catholiques et calvinistes s'entendent pour la lutte contre l'inquisition. C’est  le Compromis des nobles. L’année après est l’année des merveilles (pour les iconoclastes au moins). Groesbeek sort une ordonnance qui enjoint de procéder contre les hérétiques, conformément aux décisions du Cercle de Westphalie dont relève la principauté.
En 1567 Hasselt, Maaseyck et Maastricht tombent aux mains des Calvinistes. Le Prince sort une ordonnance pour le maintien de la foi catholique, enjoignant aux étrangers qui n'ont pas acquis le droit de bourgeoisie d'en sortir endéans trois jours. En 1568 le comté de Horne est réuni à l'église de Liège suite à l'exécution par le duc d'Albe, du comte de Horne, Philippe de Montmorency, sans héritiers.
Si comte de Horne n’est pas à l’abri de l’Inquisition, les Lombards usuriers avaient aussi de quoi témoigner du remords.
Selon Gobert, il est l'un des rares usuriers italiens dont le repentir soit mentionné dans nos annales.  Le CATALOGUE  DES  MANUSCRITS  DE  LA  BIBLIOTHÈQUE ROYALE DE BELGIQUE  de 1904 reprend le ‘Recueil d'aucuns poincts de la cause démenée par le procureur gênerai de Flandres contre Anthoine de Flamines Pailly François Porquin et autres ausquels est traicté si les Piedmontois ou Lombards ayant obtenu absolution et fait promesse de ne plus exercer table de prcst ny usure, recidivans en leur exercice sont punissables in foro exteriori notamment par le juge lay et autres poincts notables’.
Il y a eu un raidissement contre les protestants tout azimuth, donc aussi sur l’usure. D’autant plus que Calvin donneexplicitement dans sa « Lettre à un ami », Claude de Sachin, unelégitimité au prêt à intérêt. Il prend en compte le contexte historique et institutionnel. Pour Calvin, elles ont été données par Dieu aux Hébreux, en rapport avec leurs circonstances historiques. Il ne faut donc pas forcément chercher à les mettre en application à la lettre à une autre époque, pour un autre peuple.  Ce qui est toujours valide dans la Nouvelle Alliance correspond aux principes spirituels, comme la charité et l’équité, qui inspirent la loi politique. Calvin utilise cette approche pour la question du prêt à intérêt qu’il interprète comme une règle propre au peuple juif et que les chrétiens n’ont pas à s’approprier telle quelle. Calvin affirme que l’interdiction de l’usure est une loi adaptée aux juifs, qui n’est plus forcément pertinente dans un cadre différent : «la situation du lieu auquel Dieu avait colloqué les Juifs et beaucoup d’autres circonstances faisaient qu’ils trafiquaient entre eux commodérément sans usures. Notre conjonction n’a point de similitude".

1771 l'exemption du droit d'aubaine réciproque entre la royauté très chrétienne et la Principauté de Liège.

Je n’ai pas trop insisté sur le droit d’aubaine ; cela ne veut pas dire que cet épée de Damocles sur la tête des Lombards et autres aubains avait disparu, ni le danger de se voir retirer le droit de citain chèrement acquis. Il faudra attendre la révolution française pour voir abolir le droit d’aubain. Avant ça, il y a eu des exemptions ponctuelles, entre deux états.
Une estampe de 1771 de Charles-Nicolas Cochin qui se trouve au musée d'Ansembourg est imprimée à l’occasion de l'exemption du droit d'aubaine réciproque entre la royauté très chrétienne et la Principauté de Liège.
Comme on a vu avec Girolamo Motta à Turin, le duc (ou roi ?) de Savoie ne se sentait nullement gêné de retirer cette qualité de bourgeois. Retrait qui revient dans l’actualité en 2017 avec le débat sur la double nationalité. L’histoire avance parfois à reculons… Et l'hôpital de la Charité de Turin refuse d’honorer le leg du musulman converti Girolamo Motta en faveur de ses héritiers. Sa fortune tombe sous le droit d’aubain.

Le palais de Bavière.

Porquin mourut le 2 juillet 1579. Sa maison de marbre fut vendue par ses cinq filles en 1584 au prince-évêque de Liège, Ernest de Bavière, pour une somme de 24.000 florins de Brabant plus une rente annuelle de 10 à 12 florins. On parlera dorénavant de palais de Bavière. Ernest ne parvenait pas, ‘grâce au gaspillage qui régnait à sa Cour, à payer les rentes constituées sur cette maison et les créanciers hypothécaires menaçaient de la faire deminer, c'est-à-dire saisir et vendre. Le Prince fit part des ennuis d'argent à son confesseur le chanoine Didden. Celui-ci proposa de payer tout l'arriéré et les rentes, à condition qu'Ernest lui cédât, pour y bâtir un hôpital, un terrain auprès de sa maison. C'est dans le jardin de la maison de Porquin et sur le pré des Arbalétriers que l'on éleva les premiers bâtiments la Maison de la Miséricorde’ (E. POLAIN, La vie à Liège sous Ernest de Bavière).

Aller à Bavîre

Voilà donc l’entourloupe d’Ernest de Bavière pour échapper à ses créanciers. Bill Gates n’a rien inventé avec sa fondation Bill-et-Melinda-Gates. Le 16 septembre 1603 donation fut faite de l’hôpital de Bavière à l'association charitable de la Confrérie de miséricorde chrétienne, reconnue officiellement l’année avant. Aller à Bavîre devint synonyme d'aller à l'hôpital.

" On n'admettra dans cette maison que les pauvres de l'un et de l'autre sexe, malades ou infirmes mais qui ne sont déshonorés, ni par leur vie, ni par leur famille. Nous excluons ceux qui ne sont pas de la Ville de Liège, à moins que quelqu'un ne veuille pourvoir à l'entretien... Nous excluons ... ceux qui souffrent d'un mal incurable, contagieux, infâme, contracté soit par leur propre faute, soit par leur lasciveté et ceux dont la vieillesse fait désespérer de ... leur rétablissement, les enfants et les mendiants publics, les insensés...; enfin les femmes enceintes."
La Révolution française met fin à ce système basé sur la charité. Les maisons des pauvres sont confiées à l’état (et évoluent rapidement en maisons de peines où les pauvres sont remis au travail). Les Commissions des Hospices Civils, ancêtres de nos actuels Centres Publics d’Aide Sociale, reprennent cette ‘compétence’. En 1799, la pharmacie de Bavière devient la pharmacie générale des Hospices civils de Liège.
En 1890 l'administration des Hospices Civils décide de la construction d'un nouvel hôpital.
La démolition de l’ancien hôpital fit l’objet de discussions animées au Conseil communal de Liège, entre 1888 à 1903. La société du « Vieux-Liège » s’est constituée en 1894 pour la sauvegarde de la Maison Porquin. Hélas, l’autorité communale eut raison de l’édifice en 1904 (Bavière », unpatrimoine peut revivre… Chronique du Vieux Liège N° 334 octobre décembre 2007) .
La ville doit quand même démonter la chapelle et la remonter en 1894 à l’endroit qu’elle occupe aujourd’hui. Elle est donc, avec le porche, l’unique témoin encore vivant de l’hôpital du 17e siècle.
Le porche de l'hôpital de Bavière franchi, "on percevait les premières odeurs d'hôpital, puis, après une seconde porte, on se trouvait dans une vaste cour où se dressaient les pavillons. De loin, on devinait les cornettes blanches des bonnes soeurs qui se dirigeaient vers la chapelle" (Simenon, Témoignage de l'Enfant de choeur). La chapelle chaude et intime où Simenon, durant ses études primaires à Saint-André, servit la messe de 6 heures, est tout ce qui reste de l'hôpital démoli.

Le wisselaar Lowys Porquin et son ‘Uutersten wille’

Avec  Bernardin Porquin avaient été anoblis ses deux frères, Louis et François. Le cas de Lodovico Porchini alias Lowys Porquin  (1511-1573) est encore plus intéressant que celui de son frère Bernardin. Archieven.nl possède une lettre de la ville de Breda au Prince d'Orange, Seigneur de Breda (et de Herstal, note HH) demandant à pouvoir nommer Loys Porquin comme "wisselaar" (changeur), datée de 1542. Pour racheter le salut de son âme de lombard il réussit l’exploit d’éditer un genre de catéchisme qui est accepté aussi bien par les protestants que par les catholiques : il faut le faire, en pleine Inquisition !
Lowys Porquin est resté célèbre par son livre: "Den Uutersten wille van Lowys Porquin, door hem by maniere van een lieflyck testament in prose gestelt en tot onderwys en stichtinghe van zyne kinderen. oock zeer bequaem ende dienstelyc voor alle christen-huysvaders, om haren kinderen door t'selve te onderwyssen in de vreese des Heeren, om daardoor te mogen comen met Gods hulpe tot een deughdelyck leven ende salich streven " (Les dernières volontés de LOVVYS  PORQUIN composées en prose sous la forme d'un charmant Testament contenant de nombreux bons enseignements pour l'instruction et l'édification de ses enfants. Aussi très profitable, utile et nécessaire à tous les parents afin d'éduquer leurs enfants à l'aide de cette œuvre afin d'arriver à l'aide
de cet enseignement, avec l'aide de Dieu, à une vie intègre et à une mort chrétienne).
Porquin évoque «l'énormité de mes méfaits et mes mauvaises actions» Il avoue maintes fois avoir abondamment péché: Il invoque sa peur  de  l'enfer: «Lorsque  la tempête de la mort m'emportera, Seigneur, je remets mon âme entre vos mains « .
Son œuvre a eu une distribution et une longévité étonnantes pour l'époque, au prix d'une falsification et d'un détournement du sens premier de ce texte. Le Testament a été rééditée une vingtaine de fois jusqu'en 1726 sous diverses formes abrégées et remaniées. La réussite de cette mystification d'un usurier en quête de Paradis démontre à sa façon qu'en fin de compte,  au XVIe siècle également, «l'argent n'a pas d'odeur». Son ‘testament gentil’ est édité à Anvers et Gand en 1573 chez la veuve G. van Salenson (Bibliographie gantoise , Ferdinand Van der Haeghen p 154). Mais il sera réédité encore plusieurs fois et il a été longtemps utilisé dans l'enseignement. L’historienne Myriam Greilsammer a travaillé sur ces «Dernières volontés»: un testament spirituel devenu simultanément instrument d’endoctrinement catholique et protestant (XVIe-XVIIe siècles).

Sources


Pour blanchir son argent et son âme. La double réhabilitation d'un usurier lombard dans les Pays-Bas du XVIe siècle. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 72, fasc. 4, 1994. Histoire medievale, moderne et contemporaine  pp. 793-833

Ce blog revisite une conférence à la Braise, en novembre 2009, ‘Aller à Bavîre’ par Geneviève Xhayet, dans le cadre du cycle "Des usines, des maisons et des hommes".
« Parcours karstiques. Gerolamo Motta, turc d’Anatolie à Turin au XVIIIe siècle », in J. Dakhlia et B. Vincent (éd.), Les musulmans dans l’histoire de l’Europe, t.I, Une intégration invisible,  Albin Michel, Paris 2011, p. 195-228


Simona Cerutti, La ville et les métiers. Naissance d'un langage corporatif (Turin, XVIIe-XVIIIe siècleInspiré par les méthodes à l'époque novatrice de la microstoria, Simona Cerutti a plongé dans les archives du XVIIIe siècle turinois, pour interroger la notion «d'étranger ». La lettre de naturalité n'est pas une étape nécessaire dans le parcours d'intégration à un État. L'exercice parcimonieux du droit d'aubaine en fournirait d'ailleurs une autre illustration, le fisc se substituant rarement à l'héritier d'un étranger décédé en situation d'aubain, sauf lorsqu'il y a lieu de satisfaire des créanciers ou que le défunt n'a pas de famille. En 1702 Turin suspend la loi d'aubaine pour attirer les marchands étrangers. Lors du rapprochement du royaume sarde et de l'Église romaine on applique plus systématiquement le droit d’aubaine à l'égard des protestants français ou suisses. Girolamo Motta, tailleur de son état, fut placé à la tête de sa corporation au tout début du XVIIIe siècle. CE musulman converti s’appelle « turc d'Anatolie ». Mais dans son ultime testament, dicté en 1724, disparaît toute mention de ses origines.
Dans les États savoyards des années 1720 règne, en effet, une atmosphère de suspicion à l'égard de tout ce qui n'est pas catholique (institution des ghettos juifs en 1723, expulsion des calvinistes entre 1722 et 1724). Les fabricants locaux, les accusant de contrôler le marché de la soie, finirent par imposer au royaume sarde un ferme protectionnisme. Le fisc saisit ces années-là les biens des étrangers, spécialement des calvinistes, dans le cadre de la loi d'aubaine



CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS. — ANNALES PARLEMENTAIRES — session du 23 Mars 1904 M. Carton de Wiart : la plus belle exposition qu'une ville puisse offrir à ses visiteurs, c'est celle de ses monuments et de ses souvenirs historiques. Le département prévoit des crédits pour la maison Porquin, de Liège. La démolition de ce vénérable édifice qui est très délabré, je le reconnais, mais qui offre un incontestable intérêt archéologique et historique, avait déjà été décidée par le conseil communal de Liège. On me dit qu'à l'heure actuelle les travaux de démolition sont mis en adjudication. Ce vote ne fait pas honneur au conseil communal de Liège qui a d'ailleurs déjà à son actif plus d'une erreur de ce genre, par exemple la démolition du Palais, jadis votée pour prolonger jusqu'au marché la place Saint-Pierre. Certes, la maison Porquin n'était pas une merveille d'architecture. Ouverte à tous les vents, abandonnée aux vagabonds et aux « mauvais garçons », grâce à une longue incurie des édiles, elle ne laissait pas d'être lépreuse, branlante et un peu contrefaite. Le rapport de M. Micha, échevin des beaux-arts qui a proposé celle démolition au conseil communal, déclare qu'une somme de 50,000 francs serait nécessaire pour sa restauration et que l'Etat s'est engagé à faire le tiers de cette dépense. Mais il ajoute — argument vraiment admirable — que le collège n'a pas trouvé «l'utilisation de cet immeuble». A la vérité, il avait bien songé à en faire un commissariat de police... Mais il y avait des inconvénients : manque de place, emplacement au milieu d'un parc, peu accessible la nuit. «En présence de cette circonstance, conclut l'échevin, le collège vous propose de faire démolir la maison Porquin. » On veut faire un « Vieux-Liege » en staff et en carton-pierre pour l'Exposition. C'est fort bien, mais comme il vaudrait mieux ne pas condamner d'anciens édifices!
Myriam Greilsammer (Université de Bar-Ilan, Ramat-Gan, Israël) Le succès des « Dernières volontés » (1563) de Lowys Porquin en tant que media de propagande moderne : un testament spirituel devenu simultanément instrument d’endoctrinement catholique et protestant (XVIe-XVIIe siècles) .

https://www.genealogieonline.nl/genealogie-peeters-rouneau/I4481.php Iaques Porquin geboren in Castellemonte. overleden in Chierri. getrouwd met Marguerita Taman
Kind(eren):
    Franchois Porquin  ????
    Michiel Porquin  ????-
    Bernardyn Porquin  ????
    Lowys Porquin  1511-1573


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