vendredi 9 février 2018

37ième balade-santé MPLP : la Chartreuse et son patrimoine


Cité Bernimolin- photo Eddy Van Loo

La balade-santé du mars 2018 est partie de la Rue N. Bernimolin à Grivegnée.
La Chartreuse a pour moi une longue histoire. Lors de la fête laïque de Raoul nous avons fait une balade guidée avec un guide nature. Il a réussi à passionner la famille en ne sortant pas de la dalle en béton à côté du fort. Less is more ! C’est Goethe qui le disait: in der Beschränkung zeigt sich der Meister, « c'est dans la concision qu'on reconnaît le maître».
Ce qui m’a remis sur cette piste, c’est la mobilisation du collectif « Un Air de Chartreuse » contre un projet du promoteur  MATEXI pour « un ensemble de 74 logements au Thier de la Chartreuse ». 5.000 signatures: la palme de la mobilisation citoyenne!
J’ai écrit une série de blogs sur le patrimoine très riche de ce site ; patrimoine menacé par des projets immobiliers. Avec ma balade j’espère vous faire partager mon enthousiasme et mes préoccupations pour la sauvegarde de ce patrimoine unique.
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/chartreuse-une-nebuleuse-autour-de.html
http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/le-patrimoine-religieux-immateriel-et.html

La cité Bernimolin

La Rue (ou la Place) Nicolas Bernimolin d’où l’on part est en fait une cité, avec beaucoup de charmes. Elle est reprise, à juste titre, dans l’inventaire du patrimoine immobilier : «Un ensemble de maisons de style cottage, construites au début du 20e siècle. Alignements de façades en brique rouge et calcaire, animées par des bandeaux de brique blanche. Les allèges des baies du rez-de-chaussée sont en grès. Les toitures, régulièrement agrémentées de pignons en faux pans-de-bois, accentuent l'aspect pittoresque de l'ensemble ». Je n’ai pas réussi à en savoir plus sur cette cité qui a bien vieillie et qui est vieillit bien, gérée par une copropriété. Nicolas Bernimolin fut le premier échevin socialiste de Grivegnée en 1896.

L'Enclos du Bastion et les tombes des fusillés

La Chartreuse est une friche militaire. 
Le Fort que nous traverserons date de 1817, après la défaite de Napoléon à Waterloo. Son vainqueur, le Duc de Wellington, voulait une ligne défensive le long de la frontière française. Il met Guillaume d'Orange à la tête du Royaume-Uni des Pays-Bas Guillaume qui construit ou reconstruit 18 places fortifiées, dont un nouveau fort sur le hameau de Péville. Ce fort est, avec le canal de l’Ourthe, une des rares traces du bref Royaume Uni des Pays-Bas en Belgique.
La guerre franco-allemande de 1870 sonne le glas des forts bastionnés. Brialmont construit une ceinture des forts. Suite à ça la Chartreuse est déclassée comme fort en 1891 et servit de caserne.  Sa superficie est réduite de 41 à 31 ha. La prestigieuse avenue de Péville et ses villas sont partiellement construites à l’emplacement des anciens espaces militaires. À l’est du fort, une cité de logements sociaux prend place le long de la bien nommée rue des Fortifications.
Cette friche reste un patrimoine militaire unique. C’est d’ailleurs ce patrimoine-là qui est le plus menacé aujourd’hui, et où l’intervention des promoteurs immobiliers est la plus sournoise.

l'Enclos du Bastion et les tombes des fusillés

En rentrant dans le site, sur notre gauche, le bastion n° 1 a été aménagé en lieu de souvenir : l'Enclos du Bastion et les tombes des fusillés. En 14-18 les allemands transféraient les condamnés à mort de Saint Léonard à la Chartreuse pour y être fusillés.
Dans les années 30,  le 11 novembre,  toutes les écoles de la ville s'y rendaient en cortège.
tourelle d'angle de la prison Saint-Léonard

Le Monument du Fusillé se trouvait au départ sur une tourelle d'angle de la prison Saint-Léonard (photo Philippe HAMOIR) en hommage à la cinquantaine de résistants du réseau « La Dame Blanche » fusillés entre 1915 et 1918. 
Complété en 1923 par un relief dû à Oscar BERCHMANS, la stèle fut transférée au bastion de la Chartreuse à la suite de la démolition de la prison en 1982.
Malheureusement, en 2011, une imposante plaque de bronze est volée. Il n’y a pas que des promoteurs immobiliers sans scrupules…
Avant cela, le Monument du Fusillé avait aussi été la cible d’adeptes de paintball soft-ball. Olivier Hamal, le président de la société royale Le Bastion des Fusillés de la Chartreuse, pense tout naturellement « à des récupérateurs de métaux peu scrupuleux à moins qu’il ne s’agisse de personnes qui y ont organisé  de jeux paramilitaires et qui ont emporté la plaque en guise de trophée ». Depuis, un arrêté de police interdit ces jeux paramilitaires sur le site.

Zilliox, un passeur d’hommes

Les tombes aussi ont d’ailleurs déjà été vandalisées et renversées. Dans les tombes du bastion celle de Zilliox mériterait un blog à elle toute seule. Avant l'épopée de l'Atlas V il y a eu l'aventure d'un autre remorqueur, l'Anna, parti du port de Visé. A l’occasion du centième anniversaire du détournement de l’Anna, Visé a donné le nom ‘Joseph Zilliox’ à son port de plaisance.  Il y a eu deux films sur le sujet, un en 1920 qui a disparu et " Passeurs d’hommes " en 1937 qui existe en DVD. 
 ill. Médecins de la Grande Guerre
Le 4 décembre 1916, 42 personnes rejoignent à Visé  le remorqueur Anna en vue de passer en Hollande. Le pilote est Joseph Zilliox, un batelier alsacien enrôlé contre son gré dans l'armée allemande. Il réussit à passer, revint en Belgique, entra dans la résistance et finit capturé par l'ennemi qui le fusille à la Chartreuse. Un mois plus tard le remorqueur Atlas V suivra la même voie. Corentin Le Borgne, économe des Oblats français prétend avoir ‘acheté’ le pilote boche  de l'Atlas V.  Ces Oblats, dont nous arpenterons plus loin le parc, avaient été expulsés de France en 1903, comme les autres congrégations prédicantes. Voir http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/la-chartreuse-et-son-patrimoine.html  
Comme tous les jeunes Alsaciens et Mosellans, sujets allemands depuis l’annexion de l’Alsace en1870, Zilliox fut mobilisé dans l’armée du Kaiser et blessé en Argonne. Il fut reclassé à Liège en 1916  au « Hafenamt », le bureau allemand du port. C’est là qu’il s’engage dans un trafic d’hommes et de marchandises à travers la ligne électrifiée entre la Belgique occupée et la Hollande neutre.  
L’histoire de l'Anna de Zilliox est raconté dans « Un héros alsacien, Joseph Zilliox », par Emile Fauquenot, dans les Annales Patriotiques. Fauquenot travaillait pour le réseau de La Dame Blanche de Dewé, le Corps d’Observation Anglais et le 2ième bureau français. C’est en prison qu’il connut
Zilliox. Il réussit à rester en communication avec Dewé, avec le concours de soeur Mélanie des Filles de la Croix et d’un gardien. Grâce à l'aide de Dewé et de Juliette Delruelle, fille du directeur de la prison, Fauquenot s’ évade de la prison le 28 mars 1918.       
Après la guerre, il épousera Marie Birckel, une autre recrue du 2e bureau emprisonnée à Saint Léonard. En 1940, ils sont au Liban, où Fauquenot est ambassadeur de Charles de Gaulle.
A mon avis, le gros des récits sur les prisonniers de Saint-Léonard proviennent de cette source. Faquenot avait l’imagination fertile, et a sûrement publié aussi dans un esprit de propagande pour la cause alliée.  ‘Poor Litle Belgium’ voulait prouver qu’il y avait aussi de la résistance dans le pays occupé, et pas seulement derrière l’Yser; et la France voulait prouver que les alsaciens ont été incorporés dans l’armée allemande contre leur gré.  Ce qui explique que les histoires très ‘embellies’ bourrées d’invraisemblances de Fauquenot ont connu un succès considérable
Dewé survivra à la première guerre. Il reconstruit un réseau en 1940, rentre dans la clandestinité en 1941, et sera abattu en 1944 lors d’une rafle par un officier allemand de la Luftwaffe qui tire sur ce qu’il pense être un civil aux abois qui refusait d'obtempérer à son ordre de s'arrêter. L'officier est pris à partie par les Gestapistes qui lui reprochent de les avoir privés de pouvoir interroger celui dont ils ignorent l'identité. Dewé et son réseau Clarence aura sa stèle en 2000.

Les casernes et urbex

Jusqu'aux années 60, Liège a été une ville de garnison, avec des milliers de ploucs qui ont dévalé Pierreuse et le Thier de la Chartreuse pour se rendre, chaque soir durant quelques heures, dans la Cité ardente. Les casernes sur notre gauche datent de 1939 et de1955, une architecture fonctionnelle avec leur structure en béton armé, toits plats, parements en brique orange, larges baies horizontales. Selon Les Cahiers de l’Urbanisme de décembre 2007 des perspectives existaient pour leur reconversion. L’espoir  fait vivre. En attendant ces bâtiments sont devenues un haut lieu de l’urbex, remplies de grafs et de tags jusqu’au dernier étage. 
D’autres grafs plus anciens retracent la vie quotidienne du "plouc" comme on appelait ces soldats d'infanterie. Un soldat au 123ttr en 69, barman au mess sous of et coiffeur, signale que son nom est inscrit sur le mur du cachot a côté de Roger Claessen et Nico Dewalque. En 2015 cette légende du Standard se retrouve de nouveau sous les verrous, à 70 ans, pour faillite frauduleuse, faux et usage de faux et fraude à la TVA. Les cachots se trouvaient a l'entrée près du corps de garde.

L’enceinte pentagonale bastionnée de Wellington

Dans l’ enceinte pentagonale dont les étages sont du début du XXième siècle nous trouvons "Rauchen verboten!" sur les murs, des graffitis  et des fresques peintes dans les casemates par les militaires au début du siècle. 
Il y a aussi quelque part l’enseigne du " 28th General Hospital US Army" qui remonte à l’offensive Von Rundstedt.
Voici une description du cœur historique en jargon militaire : « une enceinte pentagonale bastionnée protégeait le bastion de gorge formant réduit, lequel contenait le cavalier et sa caserne, formé de trois ailes en arc s’appuyant sur ses faces. C’est lui qui constitue les deux premiers niveaux du casernement que nous connaissons. Sur la terrasse prenaient place des pièces d’artillerie ».
En 1817, après la défaite de Napoléon à Waterloo, le Duc de Wellington, son vainqueur, préconise une ligne défensive le long de la frontière française. C’est les français qui paieront. Wellington trouve même un roi pour s’en occuper : Guillaume d'Orange est mis à la tête du Royaume-Uni des Pays-Bas créé au congrès de Vienne. En 1815, Guillaume avait été à la tête de l'armée néerlandaise aux Quatre-Bras et à Waterloo.
De 1816 à 1825, des ingénieurs hollandais ont construit ou reconstruit 18 places fortifiées, dont un nouveau fort sur le hameau de Péville. Le fort a son talon d’Achilles: en 1821 un rapport dit que l’on « n'a pu fermer le fort à cause de la grand route qui traverse le fort, au lieu de cela on a porté tous les murs du rempart capital à la hauteur de 30 pieds".  L’enceinte extérieure que nous verrons en fin de balade est parcourue par une galerie voûtée d’une épaisseur de 2 m permettant l'accès aux saillants.
Ce pentagone est le plus intéressant point de vue patrimonial. C’est une des rares traces du Royaume Uni des Pays-Bas visibles en Belgique encore aujourd’hui. Guillaume a évidemment l’excuse que son Royaume Uni n’a tenu que quinze ans…

La Chartreuse est déclassée comme fort en 1891

dessin David Ross
La guerre franco-allemande de 1870 prouve que le tracé bastionné type Chartreuse est désormais complètement dépassé et que le tracé polygonal s’impose. Brialmont publie  en 1882 ‘La situation militaire de la Belgique. Travaux de défense de la Meuse’. Avec sa nouvelle ceinture des forts, la Chartreuse est déclassée comme fort en 1891 et servit de caserne.  Sa superficie est réduite de 41 à 31 ha. Le domaine non aedificandi, en dessous du glacis, est urbanisé. La prestigieuse avenue de Péville et ses villas sont partiellement construites à l’emplacement des anciens espaces militaires. À l’est du fort, une cité de logements sociaux prend place le long de la bien nommée rue des Fortifications.
C’est cette partie du fort que le Rapport Urbanistique de 2008 proposait de sauvegarder. Malheureusement ce document qui oriente l’urbanisation de la ZACC de la Chartreuse ne donne que des orientations dont il est trop facile de s’écarter. C’est pourquoi Un Air de Chartreuse demande un RUE nouveau, ou plutôt un SOL (Schéma d’Orientation Locale), pour reprendre la nouvelle terminologie du Code du Développement Territorial qui devrait être contraignant.
L’année avant la RUE, les Cahiers de l’Urbanisme  avaient déjà averti que la réhabilitation du fort hollandais n’était pas rentable et qu’il fallait donc assurer cette réhabilitation en imposant des contraintes aux promoteurs. « la réhabilitation du fort hollandais est compliquée par son architecture, en particulier par la juxtaposition de longues pièces voûtées de 24 m de profondeur. Comment respecter le bâtiment tout en permettant un éclairage suffisant des locaux ? Quelle affectation leur donner ? La réhabilitation du fort hollandais n’est pas rentable. Le classement comme site impose des contraintes mais n’offre pas de subsides. L’état de friche du site impose une opération d’ensemble coordonnée. Il est en effet impossible de vendre un immeuble réhabilité à côté d’un immeuble en ruine. Cela signifie développer simultanément de l’ordre de 300 logements, ce qui n’est pas possible  sans envisager une diversité de l’offre de logements,  voire sans introduire d’autres fonctions sur le site. La rénovation du fort hollandais est l’objectif premier pour les pouvoirs publics. Mais comment éviter que cette phase non rentable ne soit reléguée après toutes les autres, avec le risque de ne jamais être réalisée? La division en lots compliquait singulièrement la possibilité d’amortir la réhabilitation du fort, déficitaire, sur une opération d’ensemble plus vaste ».
Plus de détails sur l’évolution architecturale du fort http://chartreuse-liege.be/wp-content/uploads/2017/10/Cahier-urbanisme.pdf p .82

Entrée du fort et les monuments au Génie et aux 1er  et 12ième de Ligne


Les deux niveaux du fort hollandais ont été exhaussés pour loger plus de militaires. Sur les étages au dessus il est marqué LIEGE, ANVERS, DIXMUDE, YSER, MERCKEM, STADENBERG et LA LYS, les champs de bataille du 12ème de Ligne qui a logé ici.
Au dessus de la poterne d’entrée ‘Nihil intentatum relinquit virtus’ (le courage ne laisse rien qu’il n’ait tenté. C’est une phrase de Sénèque, ‘de la Bienfaisance ‘. Le monument aux 1er et 21e de Ligne (classé) est installé en 1932 par des amicales d’anciens. De Soete, Pierre en est le sculpteur, Van Nieuwenhuyse l'architecte, avec Rouselle. Ces deux régiments de ligne remontent à l’indépendance belge, en 1831. En 1913, lors de la mobilisation, comme tous les régiments de ligne d'active, ils se dédoublent ; un peu comme l’amalgame pratiqué lors de la révolution française.  Ils prennent part à la bataille de l'Yser. Lors de l’offensive finale en septembre 1918, le 12e de Ligne s’emparera duSTADENBERG. Les citations sont reprises sur son drapeau et sur leur caserne en temps de paix, la Chartreuse. Les régiments sont remobilisés en août 1939. En 1940 après la campagne des 18 jours et la capitulation, les régiments sont de facto dissous.

Le parc des Oblats

Nous entrons dans le Parc des Oblats par le monument au Génie (non classé).
La grotte, une 'fabrique' au parc du Casino

Le parc fut aménagé au 19ième siècle en parc d’agrément à un casino racheté, après-guerre, par les Oblats pour en faire une maison de formation internationale. L’actuelle église St-Lambert, fermée au public en 2010 pour des raisons de sécurité, faisait partie du couvent. En 2017, faute de moyens, la congrégation des missionnaires oblats a vendu à une communauté protestante qui envisage une restauration.
En 1988 l'ASBL Parc des Oblats  propose de créer un établissement d'utilité publique «Fondation Chartreuse-Oblats», qui aurait acquis le site. Faute d’atteindre cet objectif élevé, elle a acquis l'arvô et a fait des travaux de sauvegarde avec l'aide de la Fondation Roi Baudouin et de la Région wallonne. L'arvô donne sur une réserve éducative. En wallon liégeois, un arvô est un passage voûté.
En 2010 le fort et le parc sont reconnus comme Site de Grand Intérêt Biologique (SGIB). Un projet européen “Value Added” a permis l’aménagement de trois sentiers balisés en 2013. Les 350.000 euros ont été focalisés sur les entrées, la restauration de la grotte et l’aménagement de la dalle jouxtant la lande aux aubépines, avec notamment des équipements sportifs et des gradins permettant l’organisation de petits événements.

Le couvent de la Chartreuse

A côté de  l’occupation militaire le site a eu aussi une occupation religieuse très riche, avec – pour commencer - les Chartreux qui ont donné leur nom au site. Nous descendons la rue de la Charité pour admirer les beaux restes.
Les Chartreux n’étaient pas les premiers: avant eux il y a eu les Prémontrés.
En 1357, le prince évêque Engelbert III de La Marck offre le site aux Chartreux. Le monastère est souvent occupé militairement. Dans les périodes de calme, les moines reviennent. Vers 1700, après la guerre de succession, le couvent connaît un nouvel essor. La gravure de 1738 de REMACLE LE LOUP a comme titre : ‘plan et élévation de la. chartreuse comme elle sera achevée’.
En 1797, la République vend les biens du couvent au citoyen Lecoulteux-Canteleu qui fait  démolir  l’église pour vendre les matériaux. La famille est une des plus grandes fortunes de l'époque.
Barthélémy-Alphonse  Lecoulteux se lance aussi dans une exploitation charbonnière. Le préfet de l’Ourthe lui octroie en 1801 la concession de toutes les mines de la Chartreuse pour 50 ans, une surface de 12 km2. C’est une superficie énorme pour l’époque. Et c’est aussi la toute première concession charbonnière en Belgique. 
Plus dans mon blog sur le  patrimoine minier de la Chartreuse.  http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/le-patrimoine-minier-de-la-chartreuse.html
Pour le Couvent de la Chartreuse, les affaires s’arrêtent pour Lecoulteux avec la vente des matériaux. En  1820,  les  frères  Begasse  y installent leur  fabrique  de  couvertures, qui déménageront à  Sclessin (les couvertures Sole Moi qui deviennent en 2001 Nordifa.

Les Petites  sœurs  des  pauvres et le Front Commun SDF


En  1829 s’y installe une  maison  de santé, jusqu’en 1853, quand la  communauté  de  Petites  sœurs  des  pauvres y accueille de  1853  à  2003 jusqu’à 250  vieillards 
(Lily Portugaels,Les Petites sœurs des pauvres à Liège  19/10/2009 La Libre Belgique).
En septembre 2003, avec le départ des Petites Sœurs, on commence à se tracasser pour le site avec sa  ferme classée (toiture et façades) des XVIe et XVIIe et le bâtiment principal avec 160 chambres, avec un très beau couloir du XVIIe siècle (non classé), qui comporte une trentaine de travées et neuf encadrements de portes - jadis des cellules des moines chartreux.
En novembre 2003 l'ancienne chartreuse est vendue pour 1,5 million d'euros au groupe immobilier Coenen spécialisé dans le "temporary housing".  Quatre ans plus tard, lorsque les autorités veulent procéder à des travaux de sécurisation, on découvre que la société anversoise Copabe en est devenu propriétaire, et est en faillite. Le 10 mai 2007 le bourgmestre signe un arrêté d'inhabitabilité pour raison de sécurité. Les 60 locataires des petits appartements qui se louent entre 250 et 350 euros sont sommés de quitter les lieux. Le Front commun SDF prend leur défense. On envisage même de ‘reloger’ les habitants mis à la rue au hall du parc Astrid (La Libre Belgique 26 juil. 2007).
Je n’ai pas réussi à reconstituer la suite de ces expulsions. Toujours est-il que c’est un argument massue pour inclure du logement social sur le site, ne fût-ce pour compenser la perte de la bonne centaine de logements à loyer réduit de cette maison de repos des Petites Sœurs. Liège manque cruellement de logements publics et sociaux.

Le maison de repos et de soins et son immense parking de béton.

Fulvia - photo Rafik Rassaa
En mai 2010 l'ancien couvent est brigué pour accueillir une nouvelle maison de repos de 195
chambres (La Libre Belgique 22 Mai 2010). En mars 2011 Christiane Dheere, directrice régionale de Vulpia pour la Wallonie annonce des projets sur les sites de la Chartreuse et de Franki à Liège. 150 lits MR (maisons de repos) et MRS (maisons de repos et de soins) à la Chartreuse avec 30 résidences de soins et services.
Ca prend 6 ans au Monument Real Estate NV & Vulpia Real Estate pour transformer ce site délabré en un centre de soins ultra moderne. Le nouveau complexe est relié au couvent par un couloir voûté
avec les médaillons des abbés successifs.
Ils n’y vont pas de main morte par rapport au permis d’urbanisme. Benoît Mahaux, un riverain, est allé trouver les 89 riverains qui ont un mur mitoyen avec l’ancien couvent avec une pétition : « Quand nous avons acheté cette ancienne ferme au Thier de la Chartreuse, le cadre était champêtre. Aujourd’hui, à la place d’un beau pré, nous avons un immense parking de béton.  Il devait y avoir de simples voiries dans le champ en face de chez nous et les servitudes des voisins devaient être respectées. Au lieu de cela, nous avons un vaste parking qui ne sert à rien et qui est éclairé en permanence durant la nuit. Et la voirie devant chez nous est descendue de 48 cm pour moi et d’un mètre chez mon voisin ! » Suite à leurs plaintes, le promoteur flamand doit demander un permis de régularisation qui est soumis à l’enquête publique. Du côté de la Ville, on reconnaît que l’infraction au permis d’urbanisme initial est bien réelle. Selon Jean-Pierre Hupkens, l’échevin de l’Urbanisme, « le promoteur devra remettre en état son parking selon le premier permis. » Et s’il ne le fait pas ? « Nous introduirons le dossier au parquet et il y sera obligé par la force. » (Sud Presse 5 janvier 2016 ).  En mai 2016 cette régularisation n’est toujours pas là et on peut même se demander si une dérogation est possible. Cela ne freine pas l'Integrale à racheter pour 22 millions d’euro le domaine et l’ancien monastère. Je rappelle le prix payé en 2003 par Coenen : 1.5 millions ! Vulpia Belgique  continue la gestion. La firme gérait fin 2016 4000 lits.
Pourtant, Vulpia a un certain palmarès de restauration, avec d’ailleurs encore une Chartreuse, le Kartuizersite à Sint-Martens-Lierde. Mais là aussi il y a eu une forte contestation pour des raisons urbanistiques.
On ira voir la ferme restaurée, et l’entrée de l’areine du photographe Benoit Mahaux.

Le Carmel

En dessous du couvent, les clarisses du monastère de «Hannut-Bujumbura». Ou plutôt Hannut- Bujumbura et retour. En  1962, les sœurs Marie-Françoise, Marie-Agnès et la sœur d’origine burundaise Claire-Marie de la communauté de Hannut fondent une filiale au Burundi. Une histoire très mouvementée. En 2002 plusieurs clarisses reviennent au monastère fondateur de Hannut.
Les Clarisses remplacent le Carmel qui s’était installée en 1860 dans le sanctuaire de sainte Julienne de Cornillon en 1860.  Pour Sainte Julienne je vous envoie à mon blog http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/le-patrimoine-religieux-immateriel-et.html
Après 157 années de présence contemplative, place donc aux Clarisses: trop de différences d’âges et de soucis de santé, combinés à un manque de vocations.
Le sanctuaire compte développer un nouveau béguinage contemporain, un projet immobilier qui « va contribuer à la revitalisation des quartiers d’Amercoeur et de la Chartreuse ». Le futur sanctuaire aura trois pôles : monastère, sanctuaire ouvert et pèlerinage qui réfèrent aux fondamentaux de l’époque de sainte Julienne : 1’Eglise, la léproserie, accueil des pauvres,  et agriculture et boverie. Une petite hôtellerie de 4 chambres accueillera les pèlerins du chemin de saint Jacques de Compostelle. Le pôle « béguinage contemporain » accueillera 18 laïcs répartis dans huit unités autonomes de logement.
Il est vrai que Liège est un berceau des béguinages, avec leur curé Lambert le Bègue. Les Clarisses savent-elles que ce curé des béguinages a été condamné en 1177 comme hérétique par le concile de Venise parce qu’il préconisait la pauvreté dans l’Eglise ?

L’araine des Petites Sœurs des Pauvres

photo F. Muller
Un mot sur l’araine dite des Petites Sœurs des Pauvres qui sert encore à la ferme de l’ancien couvent, restaurée par Benoît Mahaux à la base de la pétition de 2016. Elle est longue de 200m. et haute d’un mètre et demi. Voir mon blog sur le patrimoine minier http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/le-patrimoine-minier-de-la-chartreuse.html
Une topographie de l’araine a été dressée en décembre 2003 par P Demoulin et P. Xhaard (GRSC)

Les Bastions

Nous repassons devant l’entrée pour contourner le fort côté bastions. Le site de Cornillon a été fortifié depuis que la ville existe. C’est géopolitique. Le vénérable Thier de la Chartreuse http://laruesoubre.skynetblogs.be/archive/2006/05/07/l-arvo-et-le-site-de-la-chartreuse.html  fut longtemps le "Grand chemin" ou "Chemin royal" qui a passé au  milieu du fort jusqu’à le détournement en 1817.
Il faudrait que je replonge dans Clausewitz pour comprendre le pourquoi de ces bastions, qui n’ont jamais connus l’épreuve du feu. En attendant, c’est un bel espace vert. Ce texte de 1701, "un projet des ouvrages à faire à La Chartreuse", d’un certain De la Combe inspirera peut-être un architecte-
redoute gazonnée en Zéelande
paysagiste ou un jardinier: "Je ne voy rien de mieux que de rétablir de terre cette enceinte comme elle étoit auparavant, gazonner extérieurement tout le corps de place bastionné comme il est.  Il faut que le gazonnage commence du fond du fossé attendu qu'il n'y avoit qu'une très petite berne auparavant qui ne paroit presque plus, que ce gazonnage soit élevé jusqu'à la fraize de la hauteur de 17 pieds et audessus de la fraize de trois pieds. Il est nécessaire que les parapets soient gazonnez intérieurement, bien fraizer tout ce corps de place a planter un epalissage panchée dans le fossé a 3 pieds près du gazonnage ». Je ne saisis pas très bien ce qu’il veut dire avec ‘fraizer tout ce corps de place’, mais pour ce qui concerne ‘gazonner’, on pourrait s’inspirer de nos amis bataves qui ont mis en valeur de manière très verte un patrimoine militaire de la même époque, en Zélande.

Sources


R. Dumoulin Si Grivegnée m’était conté Noir Dessin productions

L’histoire de l'Anna de Zilliox est raconté dans « Un héros alsacien, Joseph Zilliox », par E. Fauquenot, collection des Annales Patriotiques n° 2, Paris, Desclée De Brouwer & Cie, 30, rue St- Sulpice ».
Emile Fauquenot était un agent travaillant pour le Corps d’Observation Anglais et c’est en prison qu’il connut Zilliox. Il réussit à faire passer des messages au dehors et ainsi à éviter d’autres arrestations. Il finit par s’évader.
http://www.1914-1918.be/civil_walthere_dewe.php Dewé restera en communication avec le Français Emile Fauquenot     
http://www.lunion.fr/21258/article/2017-03-18/chemin-des-dames-ces-femmes-qui-ont-fait-la-guerre Marie Birckel a rencontré son époux Emile Fauquenot lors de son séjour en prison à Liège. Elle travaillait pour le 2e bureau français. Et pour un réseau La Dame blanche. Elle est arrêtée et emprisonnée à Liège. C’est là qu’elle rencontrera Émile Fauquenot, le responsable de son réseau de renseignements. Le 26 juillet, 1918, elle passe devant le conseil de guerre allemand de Liège. Proposée pour la peine de mort, elle est condamnée finalement aux travaux forcés, à Siegburg puis à Delizsck (Saxe), elle sera libérée le 10 novembre 1918. Après la guerre, elle épousera son responsable de réseau Émile Fauquenot. Les époux Fauquenot-Birckel partent s’installer au Moyen Orient. En 1940, ils sont au Liban. Émile Fauquenot est ambassadeur de Charles de Gaulle.

Mes blogs

http://hachhachhh.blogspot.be/2017/12/chartreuse-une-nebuleuse-autour-de.html
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