jeudi 17 mai 2018

Balade santé MPLP Herstal du 2 juin 2018 : les baraques Albert


Ma balade santé de juin 2018  avait comme thème les baraques Albert. Entre 1927 et 1930 353 maisons sont démolies à Herstal :suite à la nouvelle usine Prémadame, l’élargissement du canal et l’aménagement de l’île Monsin. Tout ça sans aucun plan de relogement des familles expropriées. Face à cette crise du logement Herstal pare au plus pressé entre autres en acquérant 300 baraquements au Fonds du Roi Albert (FRA) qui avait quelques années auparavant loué aux communes des pavillons préfabriqués en bois pour les sinistrés de guerre.
 Ces pavillons étaient censés provisoire, en attendant la construction de quelques centaines de maisons par la Société Coopérative des Habitations Bon Marché de Herstal. Plus d’un siècle plus tard des dizaines de ces baraques sont toujours habités. Est-ce étonnant que le logement sort comme une des préoccupations principales des Herstalien.ne.s en 2018 ?

La rue des Sept Bonniers

La balade santé démarre  à 14h, de la rue des Sept Bonniers, où se trouve l’entrée de notre salle MPLP.  C’est une rue, pas une ruelle. Comme il n’y a pas de plaque à l’entrée de cette rue on profitera de l’occasion pour y apposer une petite plaque avec un peu d’explications.
D’abord le bonnier est une unité de mesure de surface. Attention avant d’acheter un bonnier : la notion est très élastique. Le Bonnier liégeois faisait 8 716 m2, mais ailleurs il pouvait faire 14 000 m2.
On est ici sur les terres de l’évêque. Ces biens ont été confisqués au Prince-évêque lors de la révolution de 1789. On qualifiait des gens qui achetaient ces biens comme la bande noire. Le citoyen Behr qui les a acheté en l’an VI fait donc partie de cette bande noire. En 1830 ces terres appartiennent à la famille Brixhe.
Le charbonnage de Bonne Espérance achète ces ‘sept bonniers’ en 1880 pour y installer un raccordement au chemin de fer de son bur du Moulin à vent, là où se construit aujourd’hui le complexe Bois d'Orange, au croisement des rues Paradis et Emile Muraille. Ecologiques avant la lettre, ce charbonnage : au lieu d’assurer l’aérage par un toc-feu, l’Espérance avait son moulin à vent !
En dessous de sept bonniers passe la Xhorre de l'Espérance (où exhaure du Moulin à vent). En 1913, le Charbonnage signe une convention permettant à la FN d'écouler ses eaux pluviales et résiduaires dans cette xhorre à partir de l'endroit du  raccordement du chemin de fer jusqu'à son sa sortie (son œil ) au canal Liège-Maastricht. 

Les Baraques Albert ou Fonds Roi Albert

Dans la rue sept Bonniers, côté place des Volontaires de 1830, une première baraque Albert. Le Fonds du Roi Albert (FRA) est née pendant la première guerre avec l’objectif de pourvoir immédiatement au logement des sans-abri lorsque les hostilités prendraient fin.
Déjà au début de la Première Guerre, 78.000 habitations privées furent détruites ou gravement endommagées. Le gouvernement belge du Havre crée par arrêté royal du 23 septembre 1916 le Fonds Roi Albert, dans le but d’entamer immédiatement la reconstruction des régions dévastées. En mai 1917, le Conseil d’administration approuve un premier crédit de 10 millions de francs. Mais les Alliés exigent que leurs crédits consentis à la Belgique soient réservés à des buts de guerre bien caractérisés. Il faudra attendre 1919 pour que le Fonds devienne pleinement opérationnel en Belgique.
Le gouvernement contourne cette interdiction par le Comité de Secours et d’Alimentation du Luxembourg (CSAL) qui se préoccupa d’aider les habitants à se reloger provisoirement. Dans ce cadre-là le FRA opte pour une solution provisoire, des pavillons préfabriqués en bois. Le prix de revient ne dépassait pas 150 frs le m2. Beaucoup ont été fabriqués en Hollande qui avait acceuilli un million de refugiés belges en 1914. En mai 1915 il en reste  105.000, chiffre qui se maintiendra jusqu’à la fin de la guerre. Mais il y a aussi les soldats de la forteresse Anvers qui s’étaient rendus et ont été internés. http://hachhachhh.blogspot.be/2015/01/liege-dans-la-tourmente-les-refugies.html .
une baraque Albert au musée Flanders Fields
Les soldats internés connaissaient un régime +- libre, et la Hollande essayait par tous les moyens de les occuper. A Uden on essaye une expérience ‘communiste’ basé sur l'économie distributive  d’Edward Bellamy. Les refugiés et internés travaillent contre une rémunération en points pour fabriquer des maisons démontables, financées par un don du gouvernement danois. Ces baraques du village Danois (Deense Dorp) à Nunspeet sont après la guerre démontées et reconstruites en Belgique sous le nom ‘Baraques Albert’. Ces baraques sont donc le fruit d’une initiative communiste, certes utopique. Le roi Albert se retournera dans sa tombe….
Après 1918 d’autres seront rachetés aux Anglais et Américains. Le FRA louait ses baraquements aux administrations communales, dont Herstal, qui loue en 1923 un baraquement pour l’école ménagère rue Faurieux, et un autre qui sert d’hôpital provisoire. 25 Baraques Albert furent loués aux particuliers.

Herstal 1927-1930 : une crise du logement, suite à la démolition de 353 maisons

Mais entre 1927 et 1930 s’ajoute une nouvelle crise du logement, suite à la démolition de 353 maisons:
60 par la FN (nouvelle usine Prémadame)
193 au Ponçay, Milsaucy, Rivage (100), au Jonckay ainsi qu’à Chertal (30)
100 sur l’île Monsin par la Ville de Liège, devenue propriétaire par la loi du 16/8/1927.
Tout ça sans aucun plan de relogement des familles expropriées. On transforme des ateliers et des remises en habitations. Un baraquement affecté aux locaux scolaires en Faurieux est aménage en habitation. Dans une petite maison de la rue En Bois de deux pièces au rez et à l’étage de 3.60 sur 3.60 mètres s’entassent en 1931 trois ménages comptant au total six adultes dont une femme enceinte et cinq enfants. Un des adultes souffre ‘parfois de pleurésie’.
Face à cette crise du logement le bourgmestre Hubert Sacré essaye de parer au plus pressé entre autres en acquérant par la commune plus de 300 baraquements au FRA. Ces logements ne correspondaient pas à toutes les exigences en matière de sécurité et d’hygiène. Malgré l’inconfort 24 familles expropriées du hameau de Chertal adressent une pétition au Conseil Communal le 26/4/1930 pour en avoir.
En 1928 H. Sacré s’adresse à la FN, estimant – à juste titre- qu’elle est partiellement responsable de la situation par les démolitions au Pré-Madame et aussi parce que l’usine attire une population ouvrière.
En 1927 le Conseil Communal rachète au FRA les 49 baraquements qu’il louait – l’œuvre offrait des conditions avantageuses à l’occasion de sa liquidation- et en achète 50 autres. Tout ceci en attendant la construction d’habitations sociales par la société coopérative de logement de Herstal.
Sur les Monts il y en avait en 1937 :
 11 rue J-M Courard, 15 rue du Bon Air, 13 rue Muraille, 10 rue des Hineux, 6 Pré des Communes, 6 rue de l’Agriculture, 7 sur les Thiers, 5 rue Dronet, 3 Basse Préalle et 2 rue des Moteurs, soit 78 au total. Il y en avait 97 à Pontisse, 22 en Foxhalle et 26 en Faurieux.
Le Bourgmestre Hubert Sacré en achètera d’autres pour atteindre en 1930 353 baraquements. L’administration cherchant à minimiser les dépenses, ils furent installés sur des propriétés communales. Le Bureau de Prévoyance sociale gérait locations et ventes.
En 1928 le taux annuel du loyer est fixé à 8% du prix d’achat. Ainsi, un 3 pièces acheté 9000 frs se louait 720 frs par an soit 60 frs/ mois, contre 75 frs/mois pour une (petite) maison en dur de la Cité Deprez.
En 1927 107 des pavillons (42%) sont loués. La politique est de vendre les baraques aux candidats propriétaires qui possèdent terrain ou en ont la jouissance.  Ce pourcentage loué est descendu en 1931 à 31% (111 sur 353).

Des abus de pouvoir lors de la vente des pavillons

Les baraques furent vendues au prix coûtant, par annuités de 10,15 ou 20 ans et à un taux d’intérêt de 7%.  Dans le même temps, l’administration remboursait au FRA à un taux de 5% seulement. Les 3 pièces étaient vendues en moyenne à 9.300 frs. Il faut déduire de cette somme 4.500 frs pour frais de démontage et de remontage.
A titre de comparaison, une nouvelle maison de la SC de Logement de 5 pièces ( 87 m2 au sol) se vendait en 1925 pour 25.000 frs. Comparativement, avec une valeur de revente quasi nul, moins de confort et de solidité, les pavillons coûtaient plus cher qu’une habitation sociale en dur. Sans compter les primes pour l’achat d’un logement social pouvant aller jusqu’à 10.000 frs.
L’administration imposait par ailleurs des conditions de vente fort strictes : la propriété n’était acquise qu’ « à l’instant du paiement du dernier acompte ». D’où le baraquement ne pouvait être déplacé sans l’autorisation de la commune jusqu’au dernier paiement. Si l’acheteur n’est pas en mesure de poursuivre ses paiements, « il pourra être considéré comme déchu de plein droit de son acquisition et toutes  sommes versées à titre d’acompte seront définitivement acquises à la Commune ».
Ces clauses créaient parfois des situations à la limite d’abus de pouvoir. C’est ainsi qu’un armurier qui avait du interrompre ses paiements en 1930 voit son logement repris par la commune qui non seulement conservait les sommes versées mais qui de surcroit réclamait 3.000 frs pour les frais de dé montage et ce à un taux annuel de 7%. Comme la commune louait ses pavillons sans bail, elle pouvait expulser le locataire dès qu’un acheteur se présentait. Elle parvient même à expulser des propriétaires n’ayant pas la propriété du sol. Ainsi, en 1929, elle avait autorisé l’installation de huit baraquements au Jonckay sur des terrains appartenant à l’Etat. En 1933 le bureau des domaines en demande l’évacuation. Deux propriétaires parviendront à les vendre en 1937 pour respectivement 2.000 et 1.600 frs. Les six autres sont repris par l’administration pour le prix du bois récupéré. Deux de ces huit ménages ont dû, de surcroit, poursuivre le paiement de leurs mensualités.

L’ Ouvre des maisons en bois de Herstal

Cet ‘œuvre des maisons en bois de Herstal’ est un vrai scandale : non seulement elle affichait chaque année un compte en boni. Mais il y a un véritable abus de pouvoir vers la fin, quand on poussait à tout prix les gens à acheter, et cher. On avait vendu les baraques à des gens qui « en avaient la jouissance » : un terme ambigu qui se justifiait peut-être devant l’urgence de la situation en 1928, mais qui coûtait cher à ceux qui n’arrivaient pas à produire après guerre un titre de propriété. En 1949 la commune louait encore 39 baraques et gérait les annuités de 31 derniers vendus. On facturait 3000 frs pour la démolition à ceux qui n’étaient pas propriétaires !

Rue Prés des Communes : plusieurs pavillons Albert

Par la rue J-J Maclot nous montons les Prés des Communes. Sur ces anciennes terres communes plusieurs pavillons Albert. Il y en a eu 6 au départ, ainsi que 15 rue du Bon Air et Derrière les Haies.
Nous descendons par la rue de Dronet où nous retrouvons ‘intactes’ les cinq baraques de 1928.
Nous en retrouvons une rangée rue de la Belle Vue.
Nous prenons la rue Haute Maison et la rue Pierre Henrard pour rejoindre la pittoresque rue de Bériwa. Avant d’entrer dans la rue encore une baraque. La boulangerie Ghysens est un véritable monument ‘slow food’ . Notre boulanger ne travaille plus la nuit, ce qui explique qu’il ouvre en après midi. Le meilleur pain de kilomètres à la ronde ! Voir sur leur page facebook les heures d’ouverture.
Sa farine ne vient plus du moulin Nozé qui a fonctionné jusqu’en 1914, à la vapeur…
Dans le talus du chemin de fer, une galerie créée pour évacuer les eaux d’une areine (ou xhorre=exhaure). Les constructeurs du chemin de fer l’avaient bouchée. L’eau s’était accumulé derrière le remblai et avait inondé le chantier.
La crèche de l’Avenue d’Alès est un résultat bien vivant de la grève des femmes de 1966. A l’époque l’usine emploie 13.000 personnes dont 4000 femmes. La crêche applique une pédagogie progressiste développée par Emmi Pikler, une pédiatre hongroise qui dirige en 1946 un orphelinat à Budapest. Pour Emmi Pikler le bébé était un puissant acteur de son propre développement.
Notre maison médicale a été quelques années rue de l’Economie. Nous rejoignons la fête desgensdabord un peu plus loin.

Sources

Le musée de Herstal a un texte dactylographié très intéressant de M. Clokers sur l’habitat à Herstal. Ce texte qui prend de la poussière mérite vraiment d’être édité ! J’espère par ce blog y contribuer.

http://spw.wallonie.be/dgo4/tinymvc/apps/cahiers/views/documents/flippingBook/CN89/CN89/assets/basic-html/page92.html  Dégâts de guerre et organisation de l’aide aux sinistrés, Les Cahiers nouveaux - 89 - page 92- 95

Historique du logement social à Herstal - Les baraques Albert au patrimoine mondial de l’Unesco ? http://hachhachhh.blogspot.be/2013/12/historique-du-logement-social-herstal.html

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